LE PARCOURS D'ANGELINA

 

  <

 
 
Un jour, un galeriste a demandé à Angelina Lavernia de raconter en quelques lignes
comment elle était devenue artiste peintre...
 
Et voilà ce qu'elle a dit sur son parcours:
 

On m’a demandé de raconter comment m’est venue la vocation de peindre...

Les peintres ne sont pas des gens de lettres, ce sera donc difficile d’exprimer au plus juste

 cet amour de la peinture ; nous communiquons par les couleurs, avec les pinceaux,

 et puis les tableaux parlent pour nous, ce sont eux qui expriment tout ce que nous ressentons,

 joie, émotion ou tristesse…

 

Je vais tâcher de vous raconter tout cela le mieux possible …

 

*     *     *     *     *     *     *     *     *     *
 
Je suis née parmi les fleurs, la profession de mon père étant d’en cultiver,
 voilà pourquoi j’en ai peint autant.
 J’ai toujours été attirée par les couleurs et pour moi les fleurs sont, dans ce domaine,
 les plus riches de la terre ; seuls les oiseaux et quelques poissons exotiques peuvent les égaler.
 C’est donc cette variété de couleurs qui m’a d’abord fascinée au tout début.
                             
 

Nous vivions, pour la culture des fleurs, sur un grand domaine où s’épanouissaient aussi arbres fruitiers,

potager, poules, lapins, canards, en somme une petite source d’inspiration pour les peintres qu’on appelle aujourd’hui « peintres du dimanche ».

 

 

Je me souviens que, chaque semaine ou presque, deux voisins venaient peindre régulièrement un petit coin

 de chez nous. Je les regardais émerveillée ; avec un fusain, ils traçaient les lignes principales du sujet qu’ils avaient choisi et commençaient tout de suite à mettre les couleurs.

Rapidement je voyais la forme, le volume, puis l’ombre et la lumière…J’étais subjuguée, c’était magnifique…

Cela a duré des années.  Peut-être ces peintres ont-ils contribué à ce que je devienne

 moi-même peintre plus tard ?

 

 

Je suis donc née mais j’ai grandi également parmi les fleurs. Mon père avait acheté à l’époque un stand sur les Ramblas de Barcelone. Là, pendant dix ans, j’ai vendu et créé des bouquets pour offrir, pour des mariages, des couronnes et toutes sortes de décorations florales.

Les fleurs n’ont plus aucun secret pour moi.

 

 

Les amis de mon père qui voyaient mes croquis lui disaient :

- Votre fille a du talent, il faudrait l’inscrire aux Beaux-Arts !

Mais lui ne l’entendait pas de cette oreille et rétorquait : 

- J’ai besoin de mes filles pour tenir le stand de fleurs aux Ramblas …

 

Les années ont donc passé ainsi jusqu’à ce fameux jour où ma sœur aînée m’a annoncé :

- Angelina, papa est d’accord pour que tu fasses des études de dessin et peinture,

 je vais t’accompagner et nous allons t’inscrire.

  

Surprise, je lui ai répondu que j’étais bien trop vieille pour apprendre ; (je n’avais que 19 ans !) Je le pensais sincèrement. Fort heureusement ma sœur a insisté :

- Si tu ne le fais pas maintenant, papa risque de changer d’avis et ensuite ce sera trop tard,

 ce sera fini pour toi. 

 

J’ai donc accepté. Mon père avait bien évidemment posé ses conditions : je suivrais les cours du soir,

 de 19h à 21 heures, après avoir bien rempli ma journée de « bonne fleuriste ».

 

Enfin me voilà élève parmi les élèves ! Il y avait des plus jeunes que moi mais également des plus âgés.

 Je me suis attelée au travail avec passion, dessinant pendant les cours mais aussi en dehors,

 dessinant tout ce qui passait devant moi, chiens , chats , poules , lapins, fleurs, fruits ,

 ma famille, frère, grand-mère, des passants…En peu de temps, j’accumulais des centaines de croquis.

 Je voulais rattraper le temps perdu, le temps volé …J’ai progressé très vite.

Oublié le temps des plâtres au fusain ! J’avais enfin ma première boîte de peinture à l’huile..

 

La première fois, j’ai eu le tableau d’un professeur à copier, c’était un paysage.

 J’ai probablement réussi mon travail car ce même professeur m’a dit :

- Vous pouvez commencer à peindre d’après nature, vous êtes très coloriste

 et vous vous en sortirez sans difficulté.

Il a ensuite placé devant moi une assiette rustique dans laquelle il y avait quelques pommes,

 et le tout sous un éclairage électrique. Là, j’ai compris qu’il était bien plus facile de copier

 un tableau que de peindre d’après nature ; il me fallait trouver les couleurs

 (les pommes sont très riches en couleurs), donner le volume …

Les premières souffrances ont commencé.

 

Aujourd’hui je garde ce tableau comme souvenir ; il a été peint en octobre 1945, j’avais alors 20 ans.

 

 

"Pomas"- Le premier tableau d'après nature d'Angelina Lavernia en octobre 1945

 

Tous les artistes, (les vrais), souffrent. Ils ont bien sûr des moments de bonheur mais de courte durée,

 car ils ne sont jamais sûrs de réussir le lendemain ce qu’ils ont su faire aujourd’hui.

 Un jour, tout à coup, rien ne vient, on ne sait plus rien faire, tout va de travers, on dessine mal,

 on est parfaitement incapable de composer une toile, les couleurs sont sales comme de la boue.

 On est très malheureux.

 

Alors tous les jours je me pose la question : « Est-ce que je sais peindre ? ».

Oui, je pense que oui, mais pas tout le temps. Comment l’expliquer ?… Il n’y a pas d’explication.

 En peinture, jamais deux fois deux ne font quatre. 

Le plus sage dans ces moments de doute est d’arrêter, de poser les pinceaux et d’aller jardiner

  ou promener le chien ; penser que demain tout ira mieux, à condition que ce demain

 ne dure pas des semaines , voire des mois .

 C’est une angoisse que seuls les artistes peuvent comprendre.

 

Après ces quelques années, entre les fleurs et la peinture, il y a eu mon mariage en janvier 1949, suivi de l’importante décision de quitter Barcelone, ma ville natale, pour Paris en février 1951…

 

Nous ne parlions pas français, il faisait froid, il y avait une grève des transports.

 Paris m’écrasait. Dur, dur …

Malgré tout, j’allais de l’avant, je continuais de peindre et commençais à exposer :

 quelques salons, expositions de groupe, expositions particulières à Paris et à l’étranger.

Des déceptions, des récompenses, un certain succès…

Il ne fallait surtout pas se décourager, donc je peignais et je peignais encore.

 Beaucoup de natures mortes avec des fleurs bien entendu,

 des enfants arlequins, carnavals, avec presque partout des fleurs …

 

Dans toutes mes natures mortes, je mets des pommes ;

 est-ce pour ne jamais oublier mon premier tableau ?

 Je ne saurais le dire, mais il est certain que j’aime peindre les pommes pour leurs belles couleurs.

 On apprend beaucoup en les peignant.

 

Quant à mes personnages, ils ont été mes enfants. Petits déjà, ils posaient pour moi.

François Jr à 9 ans pose à l'atelier

 

Maintenant, je les peins sans qu’ils posent, ils ont grandi mais je continue à les représenter

 comme avant, jeunes, doux, rêveurs , un peu nostalgiques mais jamais tristes.

  Je les connais par cœur, comme les fleurs.

 

Ma vie artistique continue avec succès, pleine de passion, de projets et d’enthousiasme,

 et pour longtemps, je l’espère …

 

RETOUR À LA PAGE D'ANGELINA

 
 *     *     *     *     *     *     *     *     *     *

 
 

 

 

© François Jr - Paco's Design 2004-2020